Les circuits courts alimentaires créent de nombreux emplois
Un article de Julie Lallouët-Geffroy, pour Reporterre, média dont les contenus sont sous licence CC-BY-NC-ND.
La vente de produits agricoles en circuit court crée bien des emplois, conclut une étude menée dans la métropole rennaise. Ce mode de commercialisation possède aussi la vertu de rendre au producteur son autonomie et de répondre au souhait de transparence des consommateurs.
Rennes (Ille-et-Vilaine), correspondance
Déambuler entre les étals pour faire son marché de fruits, légumes, fromage, poisson et viande est souvent une activité du week-end ; mais vous l’avez peut-être remarqué, il est de plus en plus aisé de trouver un marché en semaine, ouvert en fin d’après-midi. Un moment idéal pour se ravitailler après le travail. Ainsi entre 2009 et 2013, 18 nouveaux marchés ont vu le jour sur le territoire de Rennes métropole, créant par la même occasion une soixantaine d’emplois.
Il en est de même avec l’explosion des Amap et des livraisons de paniers. Dans la métropole rennaise, leur nombre a doublé en quatre ans, passant de 16 à 31 points de vente et engendrant soixante équivalents temps plein.
Le Civam de Bretagne, association qui soutient l’agriculture durable, et Agrocampus Ouest ont mené une étude, dénommée Salt, pour recenser les types de points de vente et les emplois générés. Le but ? Évaluer l’impact économique des circuits courts. Conclusion ? Plus le consommateur dispose d’endroits et de manières d’acheter des produits locaux, plus il y recourt et plus cela crée des emplois. Entre 2009 et 2013, le chiffre d’affaires généré par les circuits courts est passé, en moyenne, de 15 à 19 millions d’euros.
La dynamique des circuits courts ne semble pas près de s’enrayer
Si l’Assemblée nationale a introduit les produits biologiques et locaux dans les cantines scolaires, en décembre dernier, l’effet pourrait en être marginal. Car ce secteur ne représente qu’une faible part du chiffre d’affaires des agriculteurs vendant leur production à Rennes métropole, hors grande distribution. En 2013, le marché traditionnel représente 50 % des revenus de ces agriculteurs, devant les ventes aux restaurateurs, les magasins de producteurs, les ventes à la ferme, les Amap et paniers, et enfin la restauration collective (1 %).
Comme l’explique Gilles Maréchal, coordinateur du Civam de Bretagne au moment de la réalisation de l’étude Salt, « tout le monde parle de la restauration collective, mais ce n’est qu’un levier parmi d’autres bien plus déterminants, comme les marchés et les paniers ». Donner un coup de pouce à ces deux types de points de vente semble plus aisé que la réalisation d’un appel d’offres pour les cantines : il se traduirait par la mise à disposition de locaux pour les distributions de paniers et une autorisation, ainsi que du personnel, pour la création de marchés.
La dynamique des circuits courts ne semble pas près de s’enrayer, car elle répond aux attentes des consommateurs et des producteurs. Les consommateurs demandent de plus en plus des produits de qualité et de la transparence. Les producteurs souhaitent reprendre la main sur leur production et gagner en autonomie en ne dépendant pas d’un seul client.
Des emplois générés qui riment parfois avec précarité
Si l’on se penche sur le modèle économique des agriculteurs qui misent sur les circuits courts, Gilles Maréchal constate qu’« en moyenne, ils utilisent trois systèmes de commercialisation, par exemple le marché, une Amap, et une cantine ; ainsi l’agriculteur n’est pas dépendant d’un débouché et équilibre ses contraintes entre les systèmes de commercialisation ». En effet, faire les marchés exige un temps de présence sur place important, mais une production écoulée à un prix intéressant, sauf en cas de météo défavorable. Dans cet équilibre économique, l’Amap apportera une stabilité de trésorerie avec des contrats signés sur plusieurs mois.
Mais multiplier les points de vente requiert une logistique sans faille entre la production, sa mise en cageots, sa transformation, son transport, sa vente ; et donc des compétences multiples. C’est par cette mécanique que l’emploi se crée, il est impossible de tout faire correctement seul. De surcroît, le consommateur est demandeur de produits locaux, biologiques, de qualité, mais aussi de visites pédagogiques dans les fermes ; les métiers et les emplois qui vont avec voient le jour.
Malgré le cercle vertueux qui semble se mettre en place, les emplois générés ne riment pas forcément avec qualité, mais parfois avec précarité, ou avec un décalage fort entre le temps de travail fourni et sa rémunération. Gilles Maréchal nuance le constat : « Dans ce type d’étude, on ne comptabilise pas la contrepartie humaine : la relation aux clients, aux collègues, la lutte contre l’isolement, la satisfaction de travailler la terre. » Néanmoins, il concède que la rémunération n’est pas suffisante. De nombreux postes sont multitâches, on ne compte pas ses heures, et le statut est parfois lui-même précaire comme les contrats aidés, de retour vers l’emploi, etc. « Ce qu’il manque au secteur pour apporter des emplois nombreux, pérennes et bien rémunérés, c’est de la cohérence, en particulier territoriale. »
Le pays de Rennes autonome au plan alimentaire ?
Justement, une autre étude, Rennes, ville vivrière ? menée par Agrocampus Ouest, avec Rennes métropole, apporte du grain à moudre au sujet. Cette étude de prospective s’interroge : si la fin du pétrole est à venir, le pays de Rennes, territoire plus vaste que Rennes métropole, est-il en mesure de nourrir ses habitants ? La réponse est positive à l’horizon 2030, mais sous conditions.
Pour amorcer ce virage radical, il serait nécessaire d’exploiter près de 3.000 hectares d’espaces verts, toits et jardins disséminés un peu partout dans la métropole, de revoir le régime alimentaire pour qu’il soit moins vorace en viande et produits laitiers, et de multiplier les points de vente directe. Cette mutation pourrait engendrer 3.000 emplois en plus de ceux existants dans le secteur à l’heure actuelle. Des emplois ancrés sur le territoire, impossibles à délocaliser.
Pour autant, il s’agit là de prospective, tant les contraintes pour atteindre l’autonomie alimentaire sont nombreuses. Néanmoins, cette étude sert d’outil de réflexion. Rennes fait d’ailleurs un pas de plus dans le volet de la restauration collective, avec le lancement en novembre dernier d’un plan alimentation durable, en construction à l’heure actuelle.